Après un retour aux sources avec l’article de Pérotin, une autre question a attisé ma curiosité ces dernières semaines. Elle m’a permis de revenir à l’un des fondements de ce qui fait notre métier : l’opération de versement. Dans l’univers de l’archivage électronique, les solutions développées parlent le plus souvent de « transfert ». Ce terme est entendu comme « versement » et correspondrait d’après les présentations commerciales à l’entité OAIS « entrées ». Pourtant, en analysant de plus près, force est de constater qu’un versement au sens archivistique N’EST PAS un transfert.
Qu’est-ce qu’un versement ?
En reprenant le glossaire de l’Abrégé d’archivistique [1], un versement est défini comme une « opération matérielle et intellectuelle par laquelle la responsabilité de la conservation d’archives passe de l’administration à un service de préarchivage ou à un service d’archives, ou bien d’un service de préarchivage à un service d’archives. Ce terme désigne aussi par extension, les documents ainsi transférés ».
Quant à transférer, il s’agit de « faire passer d’un lieu à un autre » [2].
Il y a donc deux composantes dans un versement, l’opération matérielle ET l’opération intellectuelle, alors que le transfert se limiterait à une opération matérielle .
Dans un transfert, il peut y avoir plusieurs versements! [3]
Il y a aujourd’hui une confusion dans les systèmes d’archivage électronique entre le versement au sens archivistique et le transfert. Les journaux de transfert, les métadonnées de transfert ne couvrent en effet qu’une partie des données relatives aux versements, c’est-à-dire l’opération matérielle. Ils ne remplacent en rien le bordereau de versement, l’instrument de recherches ou toutes les informations intellectuelles (et non techniques) qui doivent accompagner un versement d’archives.
Pour résumer, dans l’univers papier, nous n’archiverions pas le camion qui vient « livrer » au service d’archives un ou plusieurs versements d’archives provenant de un ou plusieurs services producteurs différents. L’univers électronique nous oblige à documenter ce « camion » (transfert), ne serait-ce que pour assurer la pérennisation des données. Mais, même si nous sommes obligés d’archiver le « camion », nous avons toujours besoin d’instruments de recherches, de bordereaux de versements…
Après tout, nous archivons pour communiquer l’information et non uniquement pour la pérenniser!
Il est donc de notre devoir d’être vigilants et de s’assurer que derrière le module « transfert » existent d’autres opérations visant à préparer un versement au sens archivistique.
ML
[1] Association des archivistes français, Abrégé d’archivistique, Paris, 2007, p. 303.
[2] Larousse, Dictionnaire pratique, 2003, p. 1488
[3] Très beau résumé trouvé par un de mes collègues archivistes !
Certes. Mais peut-on imaginer un versement SEDA en plusieurs transferts? Un versement qui aurait sa cohérence intellectuelle et archivistique matérialisée au format SEDA mais réalisé en plusieurs transfert pour des raisons d’organisation matérielle. Par exemple un versement de plusieurs gigas qui devrait passer dans des canaux de transmission peu performants et devrait être saucissonné en petits versements de taille limitée pour ne pas mobiliser le système trop longtemps?
Bonjour,
Il est toujours intéressant de revenir aux fondamentaux ! Néanmoins, je ne partage pas ta crainte de confusion, dans l’environnement électronique, entre « transfert » et « versement » et au final, de dissipation du versement dans le transfert.
Si le transfert est conforme au SEDA, les documents à archiver, sont accompagnés de leurs métadonnées et notamment de leurs métadonnées de description puisque le SEDA permet entre autres, d’automatiser la rédaction du bordereau de versement.
Il me semble au contraire, que les rôles sont clairement identifiés : d’un côté les fonctionnalités liées au SAE pour gérer les transferts (contrôle et prise en charge des documents à archiver, gestion du cycle de vie) et le SIA (système dinformation archivistique) pour gérer les les versements (ajout de métadonnées, constitution des instruments de recherche) !
Céline
Il me semble toutefois que, dans l’archivage électronique, le lien entre l’opération matérielle et l’opération intellectuelle qui sont les deux composantes du versement – tout à fait d’accord sur ce point – se fait par le standard d’échange des données pour l’archivage (SEDA) que la plupart des éditeurs implémentent (ou commencent à implémenter en tout cas). Le terme transfert a été choisi dans la terminologie SEDA justement pour englober l’opération intellectuelle et l’opération matérielle (transport des SIP).
Ainsi, dans un transfert conforme au SEDA, le SIP comporte toutes les métadonnées nécessaires à l’alimentation du système d’information archivistique (cf. mapping entre le SEDA et l’EAD), c’est-à-dire des informations que l’on trouverait, dans le monde papier, sous forme de bordereau de versement. Une fois arrivé dans le SAE, le SIP est alors converti en AIP avec le choix d’un format de métadonnées ad-hoc (METS, PREMIS, EAD), à partir des métadonnées contenues dans le SIP.