Un défi lancé aux archivoblogueurs…

Suite aux commentaires très pertinents laissés par Sous la Poussière et le Regard de Janus sur notre billet intitulé Introduction impertinente aux archives électroniques -1, nous nous proposons de lancer à la  communauté des archivoblogueurs un petit jeu… Pourquoi ne pas tous écrire quelques lignes sur ce que recouvre le terme d’archivage électronique ? En fonction de nos différentes expériences et de notre plus ou moins grande maîtrise du sujet, notre nationalité et notre pratique professionnelle, nous sommes certaines que le terme n’a pas la même signification pour tous… Et puis cela conduira peut-être Sous la poussière à écrire un article sur la question (n’est-ce pas?). Prêts? A vos claviers!

Voici quelques axes de réflexion, nous écrirons à notre tour une définition plus tard.

Une définition de l’archivage électronique: une réflexion compliquée à mener?

Evidemment, pour commencer la réflexion, on peut toujours se référer aux liens cités dans notre Introduction impertinente aux Archives électroniques-1 (patience pour le volume 2 !). Selon l’AFNOR, l’archivage électronique est l’«ensemble des actions, outils et méthodes mis en œuvre pour conserver à moyen et à long terme des informations dans le but de les exploiter » [1]. Cette première définition, très générale, est tout à fait juste. Mais elle occulte quelque peu tout un pan de la pratique de l’archivage électronique éloignée des standards et des normes. Le parallèle avec l’univers papier peut conduire à repenser ce qu’est l’archivage électronique. De quelles archives parle-t-on ? Nous ne reprendrons pas l’article sur la théorie des trois âges publié sur ce blog il y a quelques jours. Il faut s’interroger sur ce qui doit être traité par les archivistes comme archives électroniques. L’archiviste en charge des archives électroniques doit-il prendre en compte ces documents dès leur production ou doit-il uniquement être garant de leur pérennité [2] dans le temps (pour les archives définitives) ? A quel stade l’archiviste doit-il intervenir dans ce processus d’archivage ? Doit-il continuer à se distinguer du Records Manager ? Il s’agit là bien évidemment d’une spécificité française, mais qu’il convient de souligner. Peut-être que nous ne saurons définir ce que sont les archives électroniques que quand le rôle de l’archiviste à l’ère du numérique sera mieux déterminé.

LFH et ML

[1] Dictionnaire du multimédia, AFNOR 1995, cité par L. Pascon, I. Pottier,         « Archivage électronique, Aspects juridiques et techniques », éditions AFNOR Pratique, 2000, p. 22.
[2] Il s’agit de la définition de la pérennité au sens de la norme NF Z42-013, c’est-à-dire l’ «aptitude que doit avoir l’information à traverser le temps durant tout son cycle de vie en préservant son intégrité ».

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4 Commentaires le “Un défi lancé aux archivoblogueurs…”

  1. Regard de Janus 21 septembre 2010 à 14:55 #

    A mon tour je me lance dans l’exercice de style.
    Dans l’expression c’est l’archivage qui fait question. En effet, le terme électronique est assez clair et suffisamment commun pour qu’on puisse affirmer qu’il renvoie aux documents ou aux objets numériques, et plus précisément nés-numériques.

    Le terme archivage renvoie à un processus, dont la définition fait problème même dans le cadre de l’archivage analogique.
    Pour la vision classique exposée dans la théorie des trois âges [1] de Th. Schellenberg [2] l’archivage concerne la totalité du cycle de vie et inclus les archives actives, intermédiaires et définitives. Ceci est communément admis dans la communauté archivistique mais pas du tout clair pour les services utilisateurs et le commun des mortels, pour qui le terme archivage renvoie la plupart du temps à l’archivage définitif ou historique.

    Ceci est rendu encore plus ambigu par les nouvelles définitions qui apparaissent dans le cadre de la révision de la norme ISO sur le records management (voir la consultation ici [3]) qui défini les deux premières phases du cycle comme le « management des informations et des documents » en faisant explicitement abstraction des archives définitives. C’est paradoxal alors que la plupart de la littérature de ces dernière années s’accorde pour affirmer que l’archivage électronique, de par la nature des objets qu’il traite, doit justement plus que jamais se préoccuper des objets numériques dès leur création.

    Dans la mesure où les archives électroniques sont de plus en plus l’objet de l’attention de « non-archivistes » je pense qu’il nous faut abandonner notre jargon et l’exactitude terminologique pour adopter un usage linguistique en conformité avec les normes, même s’il nous écorche un peu la bouche.

    Je proposerais donc que nous utilisions :
    « management des informations et des documents » pour la partie du cycle du records management (archives actives et intermédiaires), dont la problématique principale est la fiabilité et l’accessibilité
    et
    « archivage électronique » pour la phase de l’archivage définitif, dont la problématique principale est la conservation à long terme, via un Système d’archivage électronique (SAE) au sens de Moreq [4]. Pour la petit histoire, les vendeurs de GED d’il y a 10-15 ans ont commencés à commercialiser leurs produits sous le terme d’archivage électronique et se sont vite aperçus qu’ils ne proposaient pas de l’archivage mais de la gestion et on abandonné l’expression aux archivistes.

    Cette position semble être en retrait par rapport à nos récentes tentatives de traiter de l’archivage le plus en amont de la vie des documents, mais je pense que camper sur les trois âges est obsolète (voir à ce sujet le récent billet de A.-M. Chabin [5] sur archives.fr) et que nous sommes bien plus pertinent si nous dialoguons avec nos partenaires décideurs et informaticiens en parlant du « cycle de vie » en ce qui concerne la totalité du processus.

    [1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Archivistique#Les_trois_.C3.A2ges_des_archives
    [2] http://books.google.ch/books?id=n4CkrD-jniYC&pg=PA191&lpg=PA191&dq=%22Theodore+schellenberg%22&source=bl&ots=g3fcLlcPFD&sig=hDNnlQNS5b6xmO8Bs4Lh6nDSec4&hl=fr&ei=nl2YTN-NOcbT4waFwMxs&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=5&ved=0CC0Q6AEwBDgK#v=onepage&q=%22Th
    [3] http://memoireetsavoir.blogspot.com/2010/09/enquete-afnor-pour-les-nouvelles-normes.html
    [4] http://fr.wikipedia.org/wiki/MOREQ
    [5] http://fr.groups.yahoo.com/group/archives-fr/message/9202

  2. Charlotte M 9 septembre 2010 à 17:04 #

    Quel beau défi que voila !

    Et voila un modeste petit caillou de plus au cairn …qui j’espere ne rendra pas plus compliqué la proposition de définition de la courageuse archivoblogosphere.

    Pour avoir joué avec uniquement des archives électroniques pendant un certain temps, ma hiérarchie actuelle se plait a voir en moi une sorte d’heureuse coincidence qui tombe a pic, pour leur créer toutes sortes d’outils de collecte/de création de données nécessaires pour répondre, en termes organisationnels, a toutes les demandes de justification d’activités demandées par la loi.
    Id est, en ayant proposé entre deux conversations de cartographier avec l’aide d’une qualiticienne les flux documentaires entre chaque pôle/entité, en y associant un plan de gestion des risques, tout cela dans le cadre de la mise en place d’une GED, j’ai signé mon arret de mort 😉

    Je gere également les archives dites traditionnelles dont la production est massive: ces archives ne sont jugées avec un semblant d’intérêt que lorsqu’on parle uniquement de la conservation du patrimoine de la recherche (et encore, on ne sait par quel bout la prendre…)

    Au final, après un an et demi (qui sont passés très vite) j’ai donc bien plus convaincu dans le rôle plus ou moins approchant du « records manager » que dans celui de l’ « archiviste ». Ce qui a permis d’asseoir la légitimité du bureau des archives auprès des chefs de service et surtout, surtout de la DSI.

    De fait de cette expérience, les quelques questions que j’aurais sur ce thème portent plutôt sur notre rôle, la façon de nous positionner vis-à-vis de notre institution, la façon de « vendre » son secteur d’activité…on pourrait pousser le vice jusqu’à dire de quel archiviste on parle… ;).
    Ainsi, les archivistes doivent ils se prévaloir d’être d’abord des gestionnaires de l’information plutôt que ses conservateurs pour convaincre, aujourd’hui ? J’ai pas vraiment d’opinion tranchée sur la question, puisque si la reconnaissance d’une compétence particuliere de notre métier peut amener les hiérarchies diverses a en considérer d’autres avec intérêt, autant s’en servir et ce sans état d’ame.
    Par contre, il me semble qu’une dérive possible consiste a nous désigner comme responsable d’un projet d’archivage : j’ai bien conscience que pour la majorité des institutions, on ne peut pas avoir le beurre (le matériel), l’argent du beurre (les financements) et le sourire de la crémière (les ressources humaines) avec la bénédiction des décideurs en sus, et que si on veut voir aboutir un jour un projet, on est obligé de revetir plusieurs casquettes. Mais faire reposer un projet d’archivage électronique, de records management ou autre uniquement sur la compétence archivistique me parait bien hardi, pour le pas dire risqué.
    Et c’est là qu’il nous faut convaincre d’amener d’autres compétences dans ces projets, et de ceci découle une autre question, qui porte sur notre niveau de responsabilité dans l’intervention sur le cycle de vie du document : devons nous etre les responsables, les garants, de la création des outils qui fabriquent ou collectent les données, avant même que ces données soient créées ? ou devons-nous positionner notre champ d’activité uniquement sur le traitement de la donnée?

    Et dans un domaine encore plus technique : ces outils organisationnels que nous créons pour mieux gérer les flux documentaires, comme les tableaux de gestion et les plans de classements, devront-ils dans le contexte électronique disparaitre ou évoluer au profit d’autres outils combinatoires, relevant du plan de gestion des risques, de la cartographie des process et du tableau de bord?

  3. Céline Guyon 8 septembre 2010 à 22:33 #

    Je ne fais pas (encore ?!) partie de l’archivo-blogosphère mais dans mon quotidien professionnel, je me dois, chaque jour, de trouver un début de commencement de réponse(s) au défi lancé par Archiveonline…Alors je me lance…
    L’expression« archivage » recouvre (déjà) dans l’environnement papier, de multiples acceptions selon les contextes et les sensibilités de chacun ; dans l’environnement électronique d’autres métiers (je pense notamment aux informaticiens), se sont appropriés ce mot et les usages de l’archivage électronique en sont démultipliés et forcément …brouillés.
    Donner du sens à l’expression « archivage », relève de l’archéologie archvistique afin de mettre au jour les nombreuses strates qui ont contribuées à forger les multiples facettes de cette expression et du métier d’archiviste, au cours de l’histoire.
    Faut-il réfléchir à l’introduction de nouveaux termes pour définir l’archivage électronique ? Faut-il forger de nouvelle(s) expression(s) pour qualifier l’archivage électronique ? Expression(s) qui renonceraient au terme même « archivage » ? Je ne suis pas certaine…
    Peut-on donner une définition générique, unique et universelle de « l’archivage électronique » ? Je ne crois pas…
    Faut-il militer pour l’emploi du pluriel et parler d’archivages électroniques ? Pourquoi pas !
    Il faudrait imaginer une définition à facettes (sur le même principe que la navigation à facettes), qui se perfectionnerait en fonction du contexte, de l’environnement et des interlocuteurs.

    « De quel archivage électronique on parle », pour reprendre l’expression de Sous la poussière, pourrait être l’exergue du groupe de réflexion, en cours de constitution, au sein de l’AAF et en étroite association avec le SIAF…et que j’aurai le plaisir d’animer ! L’objectif principal de ce groupe de réflexion sera de donner aux archivistes des arguments pour initier, accompagner et valoriser une démarche d’archivage électronique, auprès des décideurs, informaticiens et chefs de projet dématérialisation. A suivre prochainement sur le site de l’AAF !

    Je ne serai pas aussi catégorique que Archives masala : « Il est souvent plus facile de convaincre une collectivité ou une entreprise de financer la mise en place d’un projet d’archivage électronique que l’aménagement d’un nouveau magasin de conservation d’archives papier. » Car l’archiviste (je parle ici de l’archiviste au sein d’un service d’archives), doit justifier sa légitimité à s’occuper d’archives qui ne sont pas encore (ou qui ne seront jamais) patrimoniales, d’intervenir dès la production des documents, de manier les concepts d’intégrité, d’authenticité, de redessiner les contours des processus métier avec le déploiement de la chaîne de dématérialisation et…les images d’Epinal… ont la vie dure ! Par contre, quand cet(te) archiviste a dépassé ces obstacles, ce sont de nouveaux territoires (et doutes !?) archivistiques qui s’ouvrent : la pertinence du concept de provenance, la dissolution de la notion de « fonds » pourtant si cher à l’archivistique française, la question de l’unicité des documents à conserver,l’utilité de la notion de « versement », la fin de l’original ? Etc. Et l’archiviste de participer à la construction d’un cadre de confiance pour la gestion des archives électroniques…

Rétroliens/Pings

  1. Les archives électroniques, à quoi ça peut bien servir ? « Archives masala - 28 septembre 2010

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